Suicide - Self-titled
1977
Red Star
Tiens je suis d'une humeur propice à l'écclectisme ces derniers temps. Alors je vais parler un peu d'électro. Bon en même temps l'électro j'y connais rien, c'est pour ça que je parle de Suicide. En effet ce duo était persuadé de faire du punk, Alan Vega prétend même avoir inventé le terme en l'inscrivant sur un flyer en 1971. Et cette classification est loin d'être mauvaise. Après tout Suicide ne fait que dépouiller le rock 'n' roll, le vrai, celui des 50's, pour y réinjecter de l'urgence et de la violence. Avant les Cramps, Suicide se fait une spécialité du recyclage de plan rockabilly, ce qui est particulièrement flagrant sur "Johnny". Sauf que bien sûr ce disque, le premier du duo, se démarque franchement de la production punk.
En 1977, quand la mode est aux guitares saturées et aux assauts de batterie, Suicide trouve un moyen bien plus efficace de choquer : ils utilisent une boîte à rythme et des claviers. Toute la partie instrumentale est gérée par Martin Rev, caché derrière d'immenses lunettes de soleil. L'autre moitié du duo se nomme Alan Vega, le frontman punk absolu. Au lieu d'essayer de choquer le bourgeois, Vega préfère choquer son audience et il y arrive très bien. L'inspiration pour son "jeu de scène" (mais est-ce bien un jeu?) viendrait d'un concert des Stooges auquel Vega a assité. Il répète donc le concept de la confrontation avec le public lors de ses concerts. On peut voir dans ses yeux une lueur de profonde démence lorsqu'il est sur scène, et il est célèbre pour utiliser une chaîne de moto comme "accessoire". Certains concerts tourneront franchement à l'émeute et Martin risque sa vie chaque fois qu'il joue : il aurait même essuyé un lancer de hâche lors d'un concert en première partie du Clash en 1978. Vega ne chante quasiment jamais : il pousse des cris, il murmure, il halète comme un Elvis Presley devenu fou, bref il passe par toutes les émotions et les expriment très littéralement. La violence du personnage nous parvient lorsque ses cris nous déchirent littéralement les tympans sur "Frankie Teardrop".
Il faut bien le minimalisme électronique généré par Martin Rev pour donner un cadre à la folie et à la violence de Vega. Ces instrumentaux dépouillés, ces boîtes à rythmes plus que répétitives sonnent comme un manifeste de la no-wave, en remplissant toutes les caractéristiques du genre. La texture des sons est primordiale, et elle ne prend son sens qu'une fois le volume poussé au maximum. En écoutant les parties instrumentales, on sait où Autechre a été cherché son inspiration. Le génie de Martin Rev, c'est que même en superposant les claviers, il ne remplit jamais l'espace sonore, ce qui provoque un sentiment de malaise chez l'auditeur. D'ailleurs on ne rentre pas facilement dans la musique de cet album, pourtant en apparence si dépouillé, si simpliste. L'album aborde des thèmes finalement assez classiques mais avec une vision pour le moins nouvelle. Qu'il s'agisse d'amour ("Cheree", "Girl") ou d'un fait divers sanglant ("Frankie Teardrop"), le chant décrit le monde d'une façon crue, violente et oppressante. Ce sentiment ne fait que s'accroître au fil du disque, jusqu'à l'apothéose que constituent les deux derniers titres.
L'album dans sa version d'origine dépasse à peine les 30 minutes. C'est peu, donc les rééditeurs se sont senti obligé d'en rajouter, histoire que le client en ait pour son argent. Je vous conseille de vous arrêter après "Che" qui conclue normalement l'album. Ce conseil vaut pour presque tous les CDs avec bonus tracks, mais pour celui encore plus. Après la conclusion de l'album, une sorte d'ascension dans la violence, personne n'a envie d'entendre une deuxième version de "Cheree". Cette ballade, quoique gentiment niaise, est très bien lorsqu'elle est placé en début d'album ; elle n'a en revanche aucun sens après "Che" et "Frankie Teardrop", qui sont les deux morceaux les plus complexes et les plus sombres de l'album (les meilleurs aussi). En revanche un deuxième CD (eh oui nous sommes gâtés) propose un live au CBGB's en 1977. Ce live est un superbe prolongement de l'album, bien qu'aucun des titres n'en soit issu. On y trouve notamment une reprise assez étonnante du classique "96 Tears" (joué à l'origine par "? and the Mysterians" en 1966). Le morceau "Harlem" vient aussi apporter une touche de diversité étonnante avec son énorme boîte à rythme tribale. La septième plage est un autre live, le célèbre "23 Minutes Over Brussels" qui a été distribué dans le passé sous forme de flexi-disc. Il s'agit d'un concert en première partie d'Elvis Costello, durant lequel Suicide essayera de jouer son disque en entier et dans l'ordre. "Essayera" seulement puisque le public brussellois vire carrément le duo après 23 minutes d'anthologie. L'animosité croissante du public au fil du concert ajoute à la folie de la musique.
Visiblement la musique de Suicide était beaucoup trop folle pour l'époque et on peut présumer qu'elle l'est encore trop aujourd'hui. D'ailleurs Suicide a un peu été dépassé par ses suiveurs depuis le début des 90's . Ils ont acquis un statut culte mais ont échappé à la célébrité.
Red Star

En 1977, quand la mode est aux guitares saturées et aux assauts de batterie, Suicide trouve un moyen bien plus efficace de choquer : ils utilisent une boîte à rythme et des claviers. Toute la partie instrumentale est gérée par Martin Rev, caché derrière d'immenses lunettes de soleil. L'autre moitié du duo se nomme Alan Vega, le frontman punk absolu. Au lieu d'essayer de choquer le bourgeois, Vega préfère choquer son audience et il y arrive très bien. L'inspiration pour son "jeu de scène" (mais est-ce bien un jeu?) viendrait d'un concert des Stooges auquel Vega a assité. Il répète donc le concept de la confrontation avec le public lors de ses concerts. On peut voir dans ses yeux une lueur de profonde démence lorsqu'il est sur scène, et il est célèbre pour utiliser une chaîne de moto comme "accessoire". Certains concerts tourneront franchement à l'émeute et Martin risque sa vie chaque fois qu'il joue : il aurait même essuyé un lancer de hâche lors d'un concert en première partie du Clash en 1978. Vega ne chante quasiment jamais : il pousse des cris, il murmure, il halète comme un Elvis Presley devenu fou, bref il passe par toutes les émotions et les expriment très littéralement. La violence du personnage nous parvient lorsque ses cris nous déchirent littéralement les tympans sur "Frankie Teardrop".

L'album dans sa version d'origine dépasse à peine les 30 minutes. C'est peu, donc les rééditeurs se sont senti obligé d'en rajouter, histoire que le client en ait pour son argent. Je vous conseille de vous arrêter après "Che" qui conclue normalement l'album. Ce conseil vaut pour presque tous les CDs avec bonus tracks, mais pour celui encore plus. Après la conclusion de l'album, une sorte d'ascension dans la violence, personne n'a envie d'entendre une deuxième version de "Cheree". Cette ballade, quoique gentiment niaise, est très bien lorsqu'elle est placé en début d'album ; elle n'a en revanche aucun sens après "Che" et "Frankie Teardrop", qui sont les deux morceaux les plus complexes et les plus sombres de l'album (les meilleurs aussi). En revanche un deuxième CD (eh oui nous sommes gâtés) propose un live au CBGB's en 1977. Ce live est un superbe prolongement de l'album, bien qu'aucun des titres n'en soit issu. On y trouve notamment une reprise assez étonnante du classique "96 Tears" (joué à l'origine par "? and the Mysterians" en 1966). Le morceau "Harlem" vient aussi apporter une touche de diversité étonnante avec son énorme boîte à rythme tribale. La septième plage est un autre live, le célèbre "23 Minutes Over Brussels" qui a été distribué dans le passé sous forme de flexi-disc. Il s'agit d'un concert en première partie d'Elvis Costello, durant lequel Suicide essayera de jouer son disque en entier et dans l'ordre. "Essayera" seulement puisque le public brussellois vire carrément le duo après 23 minutes d'anthologie. L'animosité croissante du public au fil du concert ajoute à la folie de la musique.
Visiblement la musique de Suicide était beaucoup trop folle pour l'époque et on peut présumer qu'elle l'est encore trop aujourd'hui. D'ailleurs Suicide a un peu été dépassé par ses suiveurs depuis le début des 90's . Ils ont acquis un statut culte mais ont échappé à la célébrité.