Mulholland Dr.
2000
David Lynch
En général, écrire le synopsis fait une bonne introduction à une critique de film, mais là, ça n'aurait aucun sens, le film n'ayant à première vue pas de scénario. Mulholland Dr. commence comme le portrait de deux femmes, Rita et Betty, impliquées dans un mystère à base d'amnésie. Cette affaire est aussi le prétexte pour peindre le portrait d'une ville. Lynch dépeint Los Angeles, à travers des tableaux a priori sans rapport les uns entre les autres: un réalisateur en pleine déchéance, une conversation dans un café, un assassinat... La vision qui ressort de la ville est assez inhabituelle. Contrairement à ce qu'on voit en général, la vie semble avoir déserté la cité des anges. Les personnages sont tous plus ou moins rongés par la solitude, l'isolement. Mais au fur et à mesure que l'histoire progresse, le mystère qui entoure les deux jeunes femmes s'épaissit au lieu de se résoudre. La dernière heure laisse des spectateurs complètement perdus.
Le film verse progressivement dans l'abstraction, jusqu'à atteindre des sommets. Lynch se joue de nous, il intervertit les différents personnages féminins et brouille toutes les pistes. A ce stade, il faut complètement abandonner la recherche d'une trame. Inutile d'essayer de reconstituer le puzzle, car il est évident que les pièces ne collent pas. Quand l'un des personnages pose une des questions que le spectateur se pose, en demandant ce qu'ouvre une clé, son interloctuteur lui rit au nez. C'est peut-être le réalisateur qui se moque de nos derniers espoirs de trouver une réponse rationnelle à son film. Il nous fait clairement savoir qu'il s'affranchit des notions de linéarité, de cohérence et de chronologie. Cet abandon n'est pas gratuit toutefois, le film suit juste une autre logique. Les images sont présentés uniquement de façon à créer des émotions. On est tour à tour intrigué, confu, puis tout simplement touché par les images. Parfois aussi on s'amuse de la façon dont Lynch essaye visiblement de nous perdre. Il faut que le spectateur abandonne lui aussi la recherche de rationnalité ; si vous cherchez une explication, si vous cherchez à comprendre, la fin va s'avérer très décevante. Au lieu de ça, il faut prendre les images et les scènes comme elles sont et les savourer pour elles-même. Comme on regarde une photo sans se demander où et quand elle a été prise, il faut juste vivre les émotions projetées à l'écran. Et les émotions, Lynch nous en inonde. Impressions de déjà-vu, de confusion, peines... On ressent pleinement les sentiments des personnages. Ceci est soutenu par une photographie impressionnante.
Bien sûr on peut vite être dégouté par le côté prétentieux du film, ou simplement par l'incompréhension. Mais on peut aussi choisir de se laisser porter et de simplement ressentir les images. Dans aucun cas le film ne peut laisser indifférent.
Edit : Je devrais arrêter de lire d'autres critiques pendant que j'écris les miennes. C'est très mauvais pour l'inspiration. En l'occurence j'ai découvert qu'il existait une explication rationnelle, un scénario (ces choses si communes)... Bien sûr cette explication "rationnelle" est la seule possible: une grande partie du film est un rêve. Je vous laisse chercher par vous-même sur internet pour plus de détails. En effet cette explication, au lieu de me soulager, me déçoit. Non pas qu'elle soit bancale, au contraire cela répond à presque toutes les questions soulevées. Mais savoir qu'il y a une vérité, un but derrière tout ça... Finalement ça ôte un peu de charme. Mon prochain visionnage du film va se transformer en partie de Cluedo, à chercher des indices dans les moindres détails. Après ça je ne pourrais plus jamais voir le film et simplement me laisser impressionner. Car visiblement il y a bien une explication pour chaque détails intriguant. L'interprétation du film n'est pas du tout ouverte comme on pourrait le croire. Même si David Lynch a toujours refusé de livrer une explication, le tout se tient trop bien pour qu'il y ait une autre réponse. Comme un tour de magicien, ce film tire une grande partie de son attrait du mystère. Toutefois il est intéressant de découvrir ainsi différents niveaux de lectures, d'abord une lecture purement émotionnelle, puis un casse-tête impressionnant de difficulté.
David Lynch
En général, écrire le synopsis fait une bonne introduction à une critique de film, mais là, ça n'aurait aucun sens, le film n'ayant à première vue pas de scénario. Mulholland Dr. commence comme le portrait de deux femmes, Rita et Betty, impliquées dans un mystère à base d'amnésie. Cette affaire est aussi le prétexte pour peindre le portrait d'une ville. Lynch dépeint Los Angeles, à travers des tableaux a priori sans rapport les uns entre les autres: un réalisateur en pleine déchéance, une conversation dans un café, un assassinat... La vision qui ressort de la ville est assez inhabituelle. Contrairement à ce qu'on voit en général, la vie semble avoir déserté la cité des anges. Les personnages sont tous plus ou moins rongés par la solitude, l'isolement. Mais au fur et à mesure que l'histoire progresse, le mystère qui entoure les deux jeunes femmes s'épaissit au lieu de se résoudre. La dernière heure laisse des spectateurs complètement perdus.

Le film verse progressivement dans l'abstraction, jusqu'à atteindre des sommets. Lynch se joue de nous, il intervertit les différents personnages féminins et brouille toutes les pistes. A ce stade, il faut complètement abandonner la recherche d'une trame. Inutile d'essayer de reconstituer le puzzle, car il est évident que les pièces ne collent pas. Quand l'un des personnages pose une des questions que le spectateur se pose, en demandant ce qu'ouvre une clé, son interloctuteur lui rit au nez. C'est peut-être le réalisateur qui se moque de nos derniers espoirs de trouver une réponse rationnelle à son film. Il nous fait clairement savoir qu'il s'affranchit des notions de linéarité, de cohérence et de chronologie. Cet abandon n'est pas gratuit toutefois, le film suit juste une autre logique. Les images sont présentés uniquement de façon à créer des émotions. On est tour à tour intrigué, confu, puis tout simplement touché par les images. Parfois aussi on s'amuse de la façon dont Lynch essaye visiblement de nous perdre. Il faut que le spectateur abandonne lui aussi la recherche de rationnalité ; si vous cherchez une explication, si vous cherchez à comprendre, la fin va s'avérer très décevante. Au lieu de ça, il faut prendre les images et les scènes comme elles sont et les savourer pour elles-même. Comme on regarde une photo sans se demander où et quand elle a été prise, il faut juste vivre les émotions projetées à l'écran. Et les émotions, Lynch nous en inonde. Impressions de déjà-vu, de confusion, peines... On ressent pleinement les sentiments des personnages. Ceci est soutenu par une photographie impressionnante.
Bien sûr on peut vite être dégouté par le côté prétentieux du film, ou simplement par l'incompréhension. Mais on peut aussi choisir de se laisser porter et de simplement ressentir les images. Dans aucun cas le film ne peut laisser indifférent.
Edit : Je devrais arrêter de lire d'autres critiques pendant que j'écris les miennes. C'est très mauvais pour l'inspiration. En l'occurence j'ai découvert qu'il existait une explication rationnelle, un scénario (ces choses si communes)... Bien sûr cette explication "rationnelle" est la seule possible: une grande partie du film est un rêve. Je vous laisse chercher par vous-même sur internet pour plus de détails. En effet cette explication, au lieu de me soulager, me déçoit. Non pas qu'elle soit bancale, au contraire cela répond à presque toutes les questions soulevées. Mais savoir qu'il y a une vérité, un but derrière tout ça... Finalement ça ôte un peu de charme. Mon prochain visionnage du film va se transformer en partie de Cluedo, à chercher des indices dans les moindres détails. Après ça je ne pourrais plus jamais voir le film et simplement me laisser impressionner. Car visiblement il y a bien une explication pour chaque détails intriguant. L'interprétation du film n'est pas du tout ouverte comme on pourrait le croire. Même si David Lynch a toujours refusé de livrer une explication, le tout se tient trop bien pour qu'il y ait une autre réponse. Comme un tour de magicien, ce film tire une grande partie de son attrait du mystère. Toutefois il est intéressant de découvrir ainsi différents niveaux de lectures, d'abord une lecture purement émotionnelle, puis un casse-tête impressionnant de difficulté.