Addiction

Publié le par Simon

J'ai été accro à la musique. Vous pouvez croire que c'est une figure de style ridicule, et pourtant c'est la stricte vérité. Maintenant que je regarde ça avec recul, je me rends compte que j'étais même un vrai junkie. Ca dépassait le cadre de la passion, il s'agissait bel et bien d'une addiction. Comment expliquer sinon une telle frénésie d'achat? Au sommet de cette addiction, j'allais sans doute quotidiennement à la fnac, au virgin ou chez le disquaire indépendant, souvent les trois dans la même matinée. Voire plus d'une fois par jour. A chaque fois je me disais que c'était par simple curiosité. Mais je savais bien que je repartirais avec un album, probablement un classique soldé à 7 euros. Je n'avais pourtant pas le temps de faire ça, et encore moins l'argent nécessaire. Mais ce genre d'arguments n'arrête pas les vrais junkies. J'allais échanger chez le disquaire d'occasion, en espérant lui refourguer deux ou trois disques miteux (genre mauvais rap, erreurs de jeunesse). Et je faisais ça dans le même esprit que d'autres vont voir leur dealer en espérant un crédit de 10 euros.

Pourtant ma "consommation" de disques n'avait rien de la boulimie de certains (G.T. si tu me lis). La taille de ma discothèque paraîtra tout aussi ridicule pour de telles personnes. Il n'y a qu'une seule raison qui m'a retenu d'un tel écueil : mon compte en banque. Avec à peine plus de 400 euros par mois pour dormir, manger, payer mes fournitures et le train, pas besoin d'être comptable pour comprendre que je n'avais pas les moyens d'entretenir une passion aussi coûteuse. Alors forcément il a fallut faire quelques économies sur le reste, en particulier la nourriture. Me payer un kébab, c'était comme déjeuner chez un grand chef. Le reste du temps, toujours la même bouffe insipide, riz, pâtes, conserves. Ou bien juste avoir faim. C'est d'ailleurs sur ce dernier point que je me rends compte que j'étais sacrément accroché. Mes habitudes alimentaires auraient choqué un psy autant qu'un diététicien. Je ne souhaite à personne d'en arriver là, parce que ça ne ressemble pas vraiment à ce qu'on attends d'un mélomane.

Aujourd'hui, seulement un an plus tard, ma vie a bien changé et tout ça est loin derrière moi. Paradoxalement j'ai désormais les moyens d'acheter et je ne le fais quasiment plus. Il faut dire qu'acheter des disques à Best Buy (l'équivalent américain de Darty) c'est beaucoup moins tentant, et c'est le seul endroit pas trop loin où je peux acheter des CDs. D'un côté je le regrette, car ma discothèque ne s'aggrandit quasiment plus. J'ai même du mal à avoir envie d'un nouvel album, ce qui me manque énormément. J'ai aussi accès à internet, ce qui n'était pas le cas. Pouvoir écouter tout et n'importe quoi m'ôte l'excitation, la curiosité que j'avais pour n'importe quel disque auparavant. Je ne sais pas trop si je dois maudire ou bénir Deezer. Je compense en jouant de la musique, plus que jamais, et aussi en écrivant ce blog. Mais j'ai un drôle de sentiment, comme si je n'étais pas si content d'avoir décroché. Après tout, je n'ai pas du tout envie de me passer d'une drogue aussi jouissive que l'est la musique.

Publié dans Billets d'humeur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
B
comme quoi il valait mieux pour son porte feuille avoir l'édition rock andfolk des 300cds que celle des 100! C'est clair que deezer change plein de trucs, et le téléchargement aussi. Indépendament de la qualité moindre des mp3, je pense que c'est pas une mauvaise chose d'avoir désacraliser le support. Ca me fout un peu la frousse de devenir un collectionneur fétichiste. Remarque, on peut devenir collectionneur de mp3.
Répondre
S
En ce qui me concerne, j'adore trop l'Album (avec un grand A) pour trouver un bon côté à ce que j'appelle la désacralisation. Maintenant, certains groupes trouvent des façons de s'approprier le mp3 (Radiohead, NIN)... Même si il y a encore des progrès à faire, je dois me dire que tout change: certains mélomanes trouvaient que les tout premiers vinyls produisaient un son stérile, trop hifi :D comme quoi ça n'a rien d'original de préférer le vieux.
K
wahouw moi j suis jamais allé jusque là, pourtant j'ai eu aussi ne période ou je faisais bien gaffe de rentrer dans les magasins les poches vides sinon j'en ressortais systematiquement avec un truc piocédans les bacs à 6.90€.je me rappelle aussi quand j'avais 16 ans, la musique commençait à m'obséder et je n'avais aucune culture, r&f avait sorti un hors série la disco idéales en 300 cds. j'avais quasiment la liste entière en tête et dès que j'en voyais un à la fnac, c'est comme si j'avais eu une apparition divine.
Répondre
S
Ah Rock 'n' Folk a joué pour moi aussi un grand rôle dans cette addiction puisque j'ai le bouquin de Manoeuvre, la discothèque idéale en 100 albums. Malgré tout ce qu'on peut reprocher au bonhomme je le remercie quand même de m'avoir fait découvrir CAN, Suicide ou Robert Wyatt...
G
Je te lis, Simon, je te lis :-)Et je comprends... j'ai aussi eu une période où je dépensais bien trop en CD, alors que je n'avais pas grand chose pour vivre !
Répondre
F
Oui, il est bizarre, hein, ce sentiment "d'attachement au support physique" alors qu'objectivement, le MP3 a plein d'avantages.
Répondre
S
Ce n'étais pas le thème principal de l'article, mais oui, je pourrais expliquer longuement pourquoi j'ai du mal avec les mp3. La liste des reproches est assez longue mais l'explication pour moi c'est la désacralisation de la musique. Et tant pis pour ce qui est de l'objectivité ;-)