The Rolling Stones - les années Brian Jones

Publié le par Simon

Presque 46 années se sont écoulées depuis la formation des Rolling Stones. 46 années durant lesquelles le groupe ne s'est jamais arrêté de jouer, en connaissant finalement peu de changements de line-ups. 46 années, dont 30 de trop, peut on ajouter sans trop de mauvaise foi. En effet si le groupe a quand même produit de 1964 à 1978 des albums d'une grande qualité, il s'est largement rattrapé depuis en nous offrant un spectacle qui nous montre que les Beatles ont bien fait de se séparer. Mais ne médisons pas trop sur leurs erreurs, contentons-nous de profiter de leurs chefs-d'oeuvre. Dans cette optique j'essayerais de résumer cette discographie à la fois pléthorique et compliquée, puisque jusqu'en 1967 les albums sortis en Angleterre et aux Etats-Unis seront assez différents. Il est notamment de tradition au Royaume-Uni que le single n'apparaisse pas sur l'album ce qui peut s'avérer frustrant (pas de "Paint It Black" sur la version anglaise d'Aftermath, ni de "Satisfaction" sur Out Of Our Heads).

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undefined1964 - The Rolling Stones
Ce premier album a étonnament bien vieilli. On y découvre déjà la recette des Stones : un groupe de jeunes blancs essayant d'imiter les musiques noires. Sur les 12 titres, seuls deux sont des compositions originales, dont l'un écrit par Mick et Keith (déjà!). C'est sans doute le titre le plus faible de l'album, à tel point qu'il sera raccourci sur la version US: "Tell Me (You're Coming Back)" est en effet une ballade folk mâtinée de R&B mais finalement très... anglaise. Déjà le groupe n'hésite pas à choquer avec une reprise de Willie Dixon au titre évoquateur : "I Just Want To Make Love To You". L'album paraît un mois plus tard aux Etats-Unis sous le titre England Newest Hit Makers avec des changements mineurs au niveau de la tracklist.

undefined1964 - 12 X 5
Le groupe anglais commence déjà à essayer de faire croire à la planète entière qu'ils sont américains. Malgré la première place du précédent LP dans les charts de leur pays natal, c'est aux Etats-Unis uniquement que sort cet album à l'origine prévu comme un EP nommé 5 X 5 (signifiant 5 chansons par 5 musiciens) et finalement étendu à... 12 titres évidemment. Le propos s'intensifie, dès le premier titre, le son s'électrifie et la production s'étoffe. Mais la recette est toujours la même. Il s'agit toujours d'une majorité de reprises de standards, même si on compte plus de titres composés par le groupe (qui signera pendant longtemps ces morceaux sous le pseudonyme "Nanker Phelge") ou par le duo Jagger/Richards. On trouve parmi ces chansons originales des morceaux intéressants comme l'instrumental "2120 South Michigan Avenue". L'album contient aussi une floppée de titres destinés à s'imposer au bal de fin d'année de tous les lycées d'Amérique ("Time Is On My Side", "Under The Boardwalk", "Congratulations"...).


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1965 - The Rolling Stone n°2
Ne vous laissez pas tromper : même si la photographie de la pochette est la même que celle de 12 X 5, il s'agit d'un album tout à fait différent, paru en Angleterre. Il paraîtra aux Etats Unis 6 mois plus tard avec une pochette forcément différente et une tracklist qui remplace quand même 5 titres sur 12. Cet album américain a pour titre The Rolling Stones, Now! Vous suivez? La version américaine est souvent considérée comme un excellent témoignage des Stones à leurs débuts.

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1965 - Out Of Our Head
La version américaine de cet album reprend (une troisième fois!) la photo de 12 X 5 comme pochette, et présente les Stones comme des vrais hitmakers. Un concentré d'efficacité constitué en grande majorité de riffs imparables et mémorisables instantanément. L'album alterne sans répit les tubes énergiques comme "The Last Time" et des ballades tout aussi géniales (surtout "Play With Fire"). Le carton mondial de cet album c'est bien sûr l'énorme "(I Can't Get No) Satisfaction", un riff de trois notes qui fait partie à jamais de l'inconscient collectif humain. Le groupe se met même en scène (au propre comme au figuré) avec un live, "I'm All Right", dont le seul intérêt réside dans les cris du public. La version anglaise quand à elle ne contient aucun des titres que je viens de citer, ce qui diminue grandement son efficacité, quoique les morceaux de remplacement soient aussi très énergiques.

1965DecemberChildren.jpg1965 - December's Children (And Everybody's)
A force de sortir des albums différents des deux côtés de l'Atlantique, London Records (qui est la maison américaine des Stones, comme son nom ne l'indique pas) a assez de matériel pour publier un album composé en grande majorité de titres inédits aux USA, mais déjà parus sur les albums anglais. Même la pochette est recyclée. Quelques titres inédits pour les collectionneurs fanatiques.

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1966 - Aftermath
Bien que tous les titres soient signés par Richards et Jagger, l'influence de Brian Jones est essentielle à cet album. Il apporte au son une grande variété en jouant plusieurs instruments (orgue, piano, sitar, clavecin, harmonica, marimbas...). C'est aussi un peu sur cet album que Jones commence à abandonner les guitares à Keith Richards. Encore une fois, deux version différentes, avec des pochettes différentes elles aussi. On considère que la version anglaise est la plus recommandable, puisque la version US se contente d'enlever 4 titres et d'en rajouter un. Pourtant seule la version US contient le célébrissime "Paint It Black". Un morceau très peu représentatif du groupe, soit dit en passant. Avec ce sitar, le groupe essaye (avec succès) de coller à l'époque, au psychédélisme ambiant. Même chose pour la délicate pièce "Lady Jane" et son clavecin. C'est pourtant plus avec "Stupid Girl" et le très sexy "Under My Thumb" qu'on retrouve les Stones dans leur élément : riffs implacables et paroles misogynes au possible. La version anglaise propose "Mother's Little Helper", avec un sens de la mélodie assez inhabituel: le groupe lorgne visiblement du côté des Fabs, en y ajoutant bien sûr une petite touche de noirceur stonienne qui en fait un excellent morceau.
Sans aucun doute l'album le plus varié du groupe, mais aussi le moins représentatif. Un indispensable du groupe.

1967BetweenTheButtons.jpg1967 - Between The Buttons
Trève de plaisanteries, après s'être autorisé quelques expérimentations, le groupe revient à des choses plus terre-à-terre c'est à dire plus commerciales. Between The Buttons est donc une collection de titres pops pas forcément tous indispensables. Jagger lui-même a finalement décrié l'album au fil des années. On peut toutefois apprécier cette petite touche de fraicheur inhabituelle, inspirée surtout par les Kinks et les Beach Boys, plus que par les Beatles. Prenez une gentille ballade ("She Smiled Sweetly") et un single à scandale (eh oui à l'époque un titre comme "Let's Spend The Night Togeher" ça choquait!) et vous avez a priori un album destiné aux charts. Il se placera pourtant moins haut que le précédent. Encore une fois deux morceaux diffèrent sur les versions US et UK.

1967USFlowers.jpg1967 - Flowers
Deux ans après l'album December's Chidren, London Record réitère le coup de la compilation de morceaux inédits seulement aux Etats-Unis. Seule l'immonde pochette est originale.

1967TheirSatanicMajestiesRequest.jpg 1967 - Their Satanic Majesties Request
La tentative psychédélique du groupe. Pour la première fois un album des Stones paraît en une même version des deux côtés de l'Atlantique, ce qui nous évite une migraine. Toutefois la migraine vient d'ailleurs. L'immonde pochette nous le fait préssentir, et la première piste nous le confirme: l'efficacité stonienne s'accorde mal avec les expérimentations psychédéliques. Peut-être qu'on aurait pût apprécier quelques éléments de cet album si un autre groupe l'avait sorti, mais venant des 5 voyous anglais, ça fait tâche. Pour autant mérite-t-il autant de dédain de la part des critiques? Franchement... oui. Le groupe convoque carrément un orchestre (qui a dit "Sgt Pepper"?) sauf qu'en l'occurence l'effet rendu est plutôt mauvais. Ce n'est rien de dire que les Stones chassent sur les terres des Beatles, il suffit pour s'en persuader d'écouter "She's a Rainbow". D'ailleurs ils ne s'en cachent pas: les visages des Beatles sont cachées sur la pochette, tandis que McCartney et Lennon sont invités à poser quelques backing-vocals. "In Another Land" fait quand à lui beaucoup penser au Pink Floyd de Syd Barrett. Bref ça pourrait être un bon album, sauf que tout ce qu'il contient n'est qu'une pâle copie des succès de la scène psyché.

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1968 - Beggars Banquet
Retour à des bases plus saines avec Beggars Banquet, qui s'ouvre sur "Sympathy For The Devil" et ses percussions tribales. C'est sur cet album qu'on trouve les dernières participations de Brian Jones. Le groupe tourne à cette époque la vidéo de "Rock and Roll Circus" où on peut les voir interpréter plusieurs titres de cet album. On peut également y apercevoir un Brian Jones qui semble déjà ne plus faire vraiment partie du groupe. La musique y est finalement un retour aux sources, les expérimentations qu'on trouvait depuis Aftermath sont abandonnées. Des classiques comme "Sympathy For The Devil" et "Street Fighting Man", ou encore la dispensable ballade hippie "Salt Of The Earth" y figurent. Cela permettra des ventes honorables, et au final un statut de classique de la discographie stonienne. La pochette originale est refusée par la maison de disque, et est remplacée par une autre largement influencée par le White Album des Beatles, avant que l'originale revienne bien plus tard.

1969LetItBleed.jpg1969 - Let It Bleed
Pour Brian Jones, il s'agit du dernier album avec les Stones. De fait, il n'est plus vraiment avec le groupe. Sa seule participation audible est sur "You Got The Silver" même s'il est aussi crédité sur "Midnight Rambler". Ca n'empêche pas le groupe de prendre un vrai tournant dans le son, qui a bénéficié d'une production conséquente, à l'image de la chorale sur le final "You Can't Always Get What You Want", ou des superbes backing-vocals de la chanteuse Merry Clayton sur "Gimme Shelter". Cette débauche de moyens préfigure les défauts qu'on leur connait aujourd'hui. Mais à l'époque ça reste intéressant, notamment parce qu'on trouve aussi des morceaux bien plus modestes comme "Country Honk", reprise country de "Honky Tonk Women". Les chansons alternent donc entre le blues rugueux des débuts et des hits au son plus produit, comme le très sexy "Gimme Shelter" ou "Monkey Man" et son irrésistible intro james-bondesque. Un album de transition, un pilier de la carrière du groupe.

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En Juin 1969, les Stones préparent une nouvelle tournée aux Etats-Unis. Toutefois la récente inculpation de Brain Jones pour possession de marijuana l'empêchera d'obtenir un visa. Jagger, Richards et Watts annoncent alors au guitariste qu'il ne fait plus partie du groupe qu'il a formé. Brian déclare au public qu'il a décidé de partir volontairement. Il sera remplacé par Mick Taylor.
Brian Jones forme des plans pour un nouveau groupe, mais deux mois plus tard, son corps est retrouvé dans la piscine de sa villa, mort à 27 ans. Ni Jagger ni Richards n'assisteront à l'enterrement. Les années 60, les années Brian Jones, sont définitivement terminées pour les Stones.

Un prochain article viendra très prochainement commenter la suite de la discographie des Rolling Stones, de "Sticky Fingers" à "Some Girls"...

Publié dans FYI

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L
c'est quand même fou leur évolution!
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S
Oui et même temps non :)Pour un groupe qui a joué pendant presque un demi-siècle ils n'ont pas changé tant que ça... Mais qu'on aille pas me dire que toutes leurs chansons se ressemblent!
N
Très bon article, qui récapitule bien une discographie effectivement bordélique dans ses débuts! Les premiers albums contiennent effectivement quelques perles, que ce soient des reprises (surtout celles de 12x5) ou des titres originaux (je crois que c'est sur Now! qu'on trouve ce fabuleux Surprise, Surprise, j'adore). Quant à Let It Bleed et la mort de Jones, c'est vrai que c'est une transition essentielle pour les Stones, j'en parlais dans ma chronique:http://nevermind-the-blogs.over-blog.com/article-14374203.htmlA+!Ned
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S
J'avais en effet remarqué ta chronique sur Let It Bleed. Interessant de lire quelque chose sur leur age d'or, alors qu'on parle finalement assez peu des Stones sur overblog, sauf pour dire qu'ils sont vieux et qu'ils feraient mieux de prendre leur retraite.
F
Ha! que voilà un très bel article.Il devrait être en lien permanent sur une borne internet chez tous les disquaires. Car n'étant pas un grand fan des Stones, mais leur portant tout de même un intérêt certain, je me suis souvent vu freiné avant une acquisition par le bordel de leur discographie. Car il faut bien dire que c'est un putain de boxon, entre les versions anglaises et américaines, les titres redondnats et les tubes invisibles. Ton article clarifie largement les choses, mais il y aurait tellement à retenir, qu'il faudrait l'avoir en permanence sous les yeux en situation d'achat.Heureusement qu'on n'a plus trop ces problèmes-là aujourd'huii. Ça a quand même du bon, la mondialisation : on bouffe certes tous la même merde, mas aussi on écoute tous les mêmes disques. Et ça, c'est pas plus mal, finalement.  ;-)
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S
Content que ça l'article te plaise, parce qu'après au moins deux écoutes de chacun des albums dont il est question, je frise l'overdose x_xC'est vrai qu'ajourd'hui les CD sortent partout dans le monde à quelques semaines d'intervalle, mais il y a quand même des différences, d'autant qu'on a désormais trois marchés (USA + UK/Europe + Japon) avec souvent des inédits sur chaque version (plus éventuellement des versions vinyle et CD différentes). Des petits farceurs comme les White Stripes s'amusent même à sortir toutes ces versions avec 8 pochettes différentes! Les singles sont un peu passés de mode mais il en sort toujours, avec des B-sides. Bref aujourd'hui on est arrivé à un compromis qui convient à l'auditeur moyen comme au fan atteint de collectionite aigue.