The Jimi Hendrix Experience - Axis : Bold As Love
1967
MCA Records
Après une chronique de Fab sur le premier album du Jimi Hendrix Experience (et les commentaires qui vont avec), je me suis rendu compte que Jimi était visiblement tombé en désaffection, et que même des gens très sérieux avaient du mal à l'écouter. C'est pour moi une surprise totale, vu que je tenais pour aquis qu'il était le plus grand musicien à avoir jamais tenu une guitare. Précisons d'ailleurs que ça n'a rien à voir avec sa maîtrise technique, sinon j'aimerais aussi Yngwie Maalmsteen. Ok, Hendrix n'était pas manchot, il suffit de voir ses videos live pour comprendre que ce qu'il joue sur disque, il le reproduit sur scène avec une aisance qu'on aimerait atteindre juste pour jouer le riff de "Come As You Are"... Mais il va un peu plus loin que ça, il parvient à insuffler dans son jeu de guitare une émotion et une énergie qui est souvent réservée au chant. C'est ce qui permet à ses albums d'être aussi magnifiques, en effet le côté showman ou prodige auquel on le cantonne souvent passe mal sur disque.
Parmi ces disques, on a un peu oublié son deuxième enregistré avec l'Experience, "Axis : Bold As Love". Il faut dire qu'il n'a ni la collection de singles qui caractérisait le précédent ("Are You Experienced?"), ni la complexité du suivant, "Electric Ladyland". Notez qu'à l'époque, les musiciens ne chomaient pas : trois albums dont un double sortis à 18 mois d'intervalle! Et dire qu'aujourd'hui il faut quatre ans aux Red Hot Chili Peppers pour ré-enregister à chaque fois le même album... Pour en revenir à "Axis", cet album constitue quand même une très bonne introduction à la discographie hendrixienne. Il constitue une charnière entre les deux albums cités plus hauts, et le son est plus poli que sur "Are You Experienced?", dont la production choque visiblement certaines oreilles.
En effet, après le succès un peu inattendu du premier album, on peut imaginer qu'une plus grande liberté et de plus gros moyens ont été alloués à la production. Alors forcément Eddie Kramer, l'ingénieur, quasiment le 4ème membre du groupe, se lâche. Parfois même avec quelques abus, sur la stéréo par exemple: l'écoute au casque des deux premiers morceaux donne un peu le tournis. C'est sans doute l'attrait pour la nouveauté : en 1967, même si la stéréo est déjà répandue, de nombreux disques sont encore mixés en mono, ou en deux versions. On retrouve aussi, comme sur le premier album, des passages dont la bande est jouée à l'envers (le solo de "Castles Made Of Sand"). Visiblement, cet album, enregistré sous la pression de la maison de disques, a été créé pour être joué en studio et peu de ces chansons verront la scène.
Cet album renie un peu les racines blues qu'on peut trouver sur tous les autres. En revanche, des touches jazzy viennent colorer le tout, et notamment le jeu du batteur Mitch Mitchell, comme sur "Up From The Skies" qui annonce totalement l'album suivant. A l'opposé, on trouve "If 6 Was 9" et son rock brut (paru sur la BO de "Easy Rider") qui vire finalement dans le psychédélisme le plus total. Notez à quel point les paroles de ce morceau se démarquent de l'idéal communautaire qui régnait à l'époque: "If 6 turned out to be 9/I don't mind/If all the hippies cut all their hair/I don't care/Dig, 'cause I got my own world to live through". En gros, le Jimi n'en a pas grand chose à secouer des hordes de chevelus qui viendront l'acclamer à Woodstock, et il le fait bien savoir. Sur la face B, il invente en deux morceaux tout le style de la guitare funk-rock, qu'il explorera un peu plus tard avec le Band Of Gypsys qui remplacera l'Experience. L'album se termine sur le final le plus grandiose qui ait jamais été enregistré, le morceau "Bold As Love" ; tout le groupe, dont le son est enveloppé par un impressionant flanger stéréo, s'envole vers des hauteurs psyché vertigineuses.
J'ai parlé de l'immense talent du guitariste en intro, mais il serait injuste de concevoir cette musique comme celle d'un disque solo. Il s'agit bien d'un groupe, même si son nom nous laisse penser le contraire. Là où la plupart des groupes exploitent le concept du duel de guitares stéréo, l'Experience transpose le principe en faisant s'affronter un batteur et un guitariste (même si parfois Jimi joue deux pistes de guitare ou plus en overdubs). Mitch Mitchell est sans doute un des batteurs les plus talentueux de cette époque pourtant peu avare en prodiges. Il a malheuseusement mal choisi son plan de carrière puisqu'on ne le connaitra jamais que comme "le batteur d'Hendrix". A l'opposé, au milieu de la tempête, le calme bassiste Noel Redding. On a souvent critiqué son statisme, son manque de technique ou de style. Pourtant son rôle est aussi essentiel à l'Experience. C'est vrai qu'il ne joue que le minimum syndical, en venant juste souligner les riffs. Mais comme disait Mies van der Rohe: "less is more". C'est sans doute lui qui sauve l'Experience du statut peu recommandable de "super groupe", grâce à son jeu minimaliste. En bonus, on a d'ailleurs droit à "She's So Fine", morceau écrit et chanté par Redding, qui nous rappelle que même si Hendrix est américain, son groupe est avant tout anglais. A l'écoute du chant de Redding, on s'aperçoit que le bassiste devait certainement écouter énormément les Beatles, ce qui tranche un peu avec le reste.
Le disque est offert sous une pochette pour le moins colorée. Hendrix aurait demandé un dessin qui rappellerait ses origines indiennes (cherokee), et a été un peu déçu en découvrant la pochette au thème hindou! Les designers étaient en effet eux aussi anglais et sans doute fans des Beatles.
Au final, ce n'est quand même pas un hasard si on a un peu oublié cet album, qui est sans doute le moins important des trois qu'a enregistré le groupe. Mais tout de même, rien que pour frissonner à l'écoute du morceau final, ça reste un disque définitivement recommandable.
MCA Records
Après une chronique de Fab sur le premier album du Jimi Hendrix Experience (et les commentaires qui vont avec), je me suis rendu compte que Jimi était visiblement tombé en désaffection, et que même des gens très sérieux avaient du mal à l'écouter. C'est pour moi une surprise totale, vu que je tenais pour aquis qu'il était le plus grand musicien à avoir jamais tenu une guitare. Précisons d'ailleurs que ça n'a rien à voir avec sa maîtrise technique, sinon j'aimerais aussi Yngwie Maalmsteen. Ok, Hendrix n'était pas manchot, il suffit de voir ses videos live pour comprendre que ce qu'il joue sur disque, il le reproduit sur scène avec une aisance qu'on aimerait atteindre juste pour jouer le riff de "Come As You Are"... Mais il va un peu plus loin que ça, il parvient à insuffler dans son jeu de guitare une émotion et une énergie qui est souvent réservée au chant. C'est ce qui permet à ses albums d'être aussi magnifiques, en effet le côté showman ou prodige auquel on le cantonne souvent passe mal sur disque.
Parmi ces disques, on a un peu oublié son deuxième enregistré avec l'Experience, "Axis : Bold As Love". Il faut dire qu'il n'a ni la collection de singles qui caractérisait le précédent ("Are You Experienced?"), ni la complexité du suivant, "Electric Ladyland". Notez qu'à l'époque, les musiciens ne chomaient pas : trois albums dont un double sortis à 18 mois d'intervalle! Et dire qu'aujourd'hui il faut quatre ans aux Red Hot Chili Peppers pour ré-enregister à chaque fois le même album... Pour en revenir à "Axis", cet album constitue quand même une très bonne introduction à la discographie hendrixienne. Il constitue une charnière entre les deux albums cités plus hauts, et le son est plus poli que sur "Are You Experienced?", dont la production choque visiblement certaines oreilles.
En effet, après le succès un peu inattendu du premier album, on peut imaginer qu'une plus grande liberté et de plus gros moyens ont été alloués à la production. Alors forcément Eddie Kramer, l'ingénieur, quasiment le 4ème membre du groupe, se lâche. Parfois même avec quelques abus, sur la stéréo par exemple: l'écoute au casque des deux premiers morceaux donne un peu le tournis. C'est sans doute l'attrait pour la nouveauté : en 1967, même si la stéréo est déjà répandue, de nombreux disques sont encore mixés en mono, ou en deux versions. On retrouve aussi, comme sur le premier album, des passages dont la bande est jouée à l'envers (le solo de "Castles Made Of Sand"). Visiblement, cet album, enregistré sous la pression de la maison de disques, a été créé pour être joué en studio et peu de ces chansons verront la scène.
Cet album renie un peu les racines blues qu'on peut trouver sur tous les autres. En revanche, des touches jazzy viennent colorer le tout, et notamment le jeu du batteur Mitch Mitchell, comme sur "Up From The Skies" qui annonce totalement l'album suivant. A l'opposé, on trouve "If 6 Was 9" et son rock brut (paru sur la BO de "Easy Rider") qui vire finalement dans le psychédélisme le plus total. Notez à quel point les paroles de ce morceau se démarquent de l'idéal communautaire qui régnait à l'époque: "If 6 turned out to be 9/I don't mind/If all the hippies cut all their hair/I don't care/Dig, 'cause I got my own world to live through". En gros, le Jimi n'en a pas grand chose à secouer des hordes de chevelus qui viendront l'acclamer à Woodstock, et il le fait bien savoir. Sur la face B, il invente en deux morceaux tout le style de la guitare funk-rock, qu'il explorera un peu plus tard avec le Band Of Gypsys qui remplacera l'Experience. L'album se termine sur le final le plus grandiose qui ait jamais été enregistré, le morceau "Bold As Love" ; tout le groupe, dont le son est enveloppé par un impressionant flanger stéréo, s'envole vers des hauteurs psyché vertigineuses.
J'ai parlé de l'immense talent du guitariste en intro, mais il serait injuste de concevoir cette musique comme celle d'un disque solo. Il s'agit bien d'un groupe, même si son nom nous laisse penser le contraire. Là où la plupart des groupes exploitent le concept du duel de guitares stéréo, l'Experience transpose le principe en faisant s'affronter un batteur et un guitariste (même si parfois Jimi joue deux pistes de guitare ou plus en overdubs). Mitch Mitchell est sans doute un des batteurs les plus talentueux de cette époque pourtant peu avare en prodiges. Il a malheuseusement mal choisi son plan de carrière puisqu'on ne le connaitra jamais que comme "le batteur d'Hendrix". A l'opposé, au milieu de la tempête, le calme bassiste Noel Redding. On a souvent critiqué son statisme, son manque de technique ou de style. Pourtant son rôle est aussi essentiel à l'Experience. C'est vrai qu'il ne joue que le minimum syndical, en venant juste souligner les riffs. Mais comme disait Mies van der Rohe: "less is more". C'est sans doute lui qui sauve l'Experience du statut peu recommandable de "super groupe", grâce à son jeu minimaliste. En bonus, on a d'ailleurs droit à "She's So Fine", morceau écrit et chanté par Redding, qui nous rappelle que même si Hendrix est américain, son groupe est avant tout anglais. A l'écoute du chant de Redding, on s'aperçoit que le bassiste devait certainement écouter énormément les Beatles, ce qui tranche un peu avec le reste.
Le disque est offert sous une pochette pour le moins colorée. Hendrix aurait demandé un dessin qui rappellerait ses origines indiennes (cherokee), et a été un peu déçu en découvrant la pochette au thème hindou! Les designers étaient en effet eux aussi anglais et sans doute fans des Beatles.
Au final, ce n'est quand même pas un hasard si on a un peu oublié cet album, qui est sans doute le moins important des trois qu'a enregistré le groupe. Mais tout de même, rien que pour frissonner à l'écoute du morceau final, ça reste un disque définitivement recommandable.