Electric Wizard - Dopethrone

Publié le par Simon

2000
Rise Above

electricwizard200.jpgElectric Wizard vient de sortir un nouvel album, intitulé "Witchcult Today", et si j'en crois les critiques et les quelques extraits dont j'ai pu profiter, il a l'air excellent. Excellent, cela signifie que Electric Wizard a renoué avec la formule de "Dopethrone" car les albums suivants et notament "We Live" avaient un peu déçu. Il faut dire que cet album appartient un peu au panthéon doom/stoner et les amateurs du genre le tiennent en grande estime. Vous pourrez me répondre que les amateurs du genre en question ne représentent pas une foule considérable, surtout en France. Pourtant cet album mérite quand même un peu cette adoration.

C'est sûr je ne conseillerais pas ce disque à n'importe qui ; s'il y en a qui peuvent trouver Black Sabbath trop caricatural, ceux-là devraient rester loin de la musique produite par Electric Wizard. On est en effet en présence d'un groupe qui a voué sa vie à dépasser le Sabbath sur tous les plans, sauf le plan commercial. On retrouve dans les deux groupes le même penchant pour le satanisme de pacotille. Je n'apprécie pas particulièrement cet attrait très puéril pour Lucifer. Mais ça fournit quand même une jolie imagerie et notament cette pochette où l'on voit Satan savourant une bouffée de son bong encore fumant : tout un programme! Bon ceci dit j'espère que ces types ne se prennent pas au sérieux quand ils écrivent dans leurs notes de pochette "Legalise drugs and murder", parce que là aussi c'est un tantinet puéril.

M'enfin, passons. Le groupe anglais n'a pas non plus peur de forcer le trait côté musique et ça lui réussit un peu mieux. Le concept est relativement basique, imaginez un bassiste ressassant ses riffs de Black Sabbath en cherchant inlassablement à les ralentir, à les allourdir. Bref imaginez Geezer Butler sous codéine et vous avez le moteur d'Electric Wizard. Pour compléter cette section rythmique, rien ne vaut la batterie de Mark Greening. Il martyrise sa  cymbale ride comme peu osent et distille quand même un peu de groove grâce à un déluge de toms. Bon il faut bien dire que côté groove, les traces de heavy funk qu'on pouvait  entendre parfois dans le duo Butler/Ward de Black Sabbath a bel et bien disparu. Ici tout est destiné créer un son massif et rugueux. Même la voix participe à ce monolithe sonique en scandant plus qu'en chantant les paroles. Une voix qui se distingue du reste du mix par son registre medium-aigu. C'est ici un homme, le chanteur-guitariste Jus Osborn qui tient ce rôle mais la sonorité est très proche du chant de Lori S, chanteuSE de Acid King. Pour ne pas dépareiller, le chanteur s'applique à sonner comme si on avait appliqué une énorme distortion sur sa voix, de même que toutes les guitares sont enveloppées d'un fuzz bien gras. En revanche lorsqu'il ne chante pas, Jus s'autorise un jeu de guitare très libre basée sur de grandes envolées pentatoniques, mixées très en retrait de sorte qu'on ne puissent pas l'accuser de virtuosité façon Tony Iommi. Au contraire ses solos viennent juste diversifier le son de l'ensemble, sans pour autant qu'on les entende consciemment. Sur certains morceaux aussi, la production est napée d'effets, de roulements d'infra-basses qui vous secoue les tripes et créent sur le mix comme un brouillard nauséabond.

Tout comme Black Sabbath, les thèmes abordés par le groupe sont liés aux nouvelles d'horreurs des années 30 et au cinéma du même genre. Les références sont multiples et évidentes. Une des morceaux s'appelle carrément "The Hills Have Eyes" comme le film de Wes Craven, tandis que "Barbarian" nous conte l'aventure du célèbre barbare, Conan. "Weird Tales", un morceau sous forme de tryptique, tire son nom d'une nouvelle d'horreur écrite en 1932 (c'est écrit dans le livret, je ne tire pas ça de mon savoir :). C'est aussi le sommet de l'album, qui débute sur un riff relativement rapide et multiplie les transitions pour s'achever sur quelques minutes de musique atmosphérique, différentes couches d'un long feedback soutenu par une ligne de batterie désordonnée et ralentie. D'une manière générale, l'album se veut (rien que par son titre) la bande-son d'un trip du genre violent et léthargique, pas le pétard qu'on fume en souriant béatement.

Quant aux paroles, elles sont excellentes quand elles décrivent des contes ou des aventures horrifiques. La plupart des groupes qui essayent de raconter des histoires d'heroic fantasy accouchent de textes caricaturaux, alors que ceux ci sont plutôt bons. En revanche quand il s'agit d'annoncer une apocalypse et de crier toute la haine que l'on peut vouer à ce monde, on tombe dans le caricatural, et on a peur qu'ils se prennent au sérieux. Tout le monde n'a pas le talent nécessaire pour écrire un chef d'oeuvre comme "Into The Void" (encore un titre de Black Sab').

Bref pas l'album de monsieur tout le monde, ce disque venu des calmes contrées du Dorset n'en n'est pas moins excellent. A croire que l'Angleterre, patrie de Black Sabbath, mais aussi de Cathedral par exemple, est une terre fertile pour le Doom. Comme Motörhead ou AC/DC, Electric Wizard est un groupe de genre ; résultat ça ne plait pas à tout le monde, et la possession de toute leur discographie n'a rien d'obligatoire (pas forcément très variée). En revanche l'écoute révèle un style poussé dans ses retranchements, qui n'hésite pas à forcer le trait avec maîtrise et brio.

Publié dans Albums

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